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Le vieux pont de Moulins-lès-Metz

Repris dans la symbolique de la nouvelle identité visuelle de la commune, le « vieux pont » de Moulins-lès-Metz représente l’une des curiosités de notre commune. Toute personne étrangère à Moulins ne peut, la première fois, que s’étonner ; Le vieux pont enjambe d’une manière inhabituelle une prairie surmontée d’un pont dont seule une de ses arches livre passage à un frêle ruisseau dénommé ruisseau de Montvaux. Or, autrefois, majestueux, il permettait de franchir la Moselle aux abords de Moulins, ceci jusqu’au début du XVIIe siècle, lorsque la Moselle décida de dévier naturellement son lit qui reste encore nettement visible au pied des côtes de Jussy et de Sainte-Ruffine.

L’histoire résumée du pont de Moulins.  

C’est par de premiers récits de Bénédictins datant de 1282 qu’il est fait mention pour la première fois du vieux pont. Ceux-ci affirment que toutes les personnes, même les « Gens de Qualité » devaient acquitter un péage pour sa traversée. Dans ce but,  le Conseil décida d’élire chaque année, avant la Chandeleur, un représentant auquel il confia la charge de prélever les revenus des ponts afin de les transmettre aux Maîtres de l’hôpital Saint-Nicolas à Metz qui en étaient propriétaires. En échange, ceux-ci devaient s’engager à procéder à la construction immédiate des ouvrages qui leur étaient confiés à la cadence d’une arche par année. Successivement furent construits le pont des Morts à Metz, puis les travaux du pont de Moulins et ensuite ceux du pont Thieffoy.  

Seuls parmi tous les habitants du Val de Metz, les Moulinois disposaient d’un pont pour passer d’une rive à l’autre de la Moselle. En fait, ces décisions furent le fruit d’un conflit antérieur : en 1227, en l’absence d’héritier mâle après la disparition du dernier Comte de Metz, Jean d’Apremont, premier évêque de Metz, saisit l’occasion pour rentrer en possession de tous les biens que le Comte détenait dont le château et le pont de Moulins. Une médiation fut rendue nécessaire en raison du conflit entre les autorités de la Cité de Metz et leur évêque et c’est bon gré mal gré que le prélat messin dut renoncer à ses prétentions… En échange, le grand hôpital de Saint-Nicolas de Metz, « désormais propriétaire », fixa les charges destinées à l’entretien et à la construction en pierre des trois ponts. Celles-ci consistaient en un péage fixant le tarif de passage, par exemple à un denier par cheval et deux deniers pour les chars à bœufs ! Toutefois les habitants de Moulins, de Jussy, de Sainte-Ruffine et de Chatel-Saint-Germain furent déchargés de payer ce péage, sauf s’ils louaient pour leur usage personnel un char dans une autre paroisse. En compensation de cette franchise, les Moulinois et leurs voisins durent remettre tous les ans, à Noël, un pain à l’hôpital Saint-Nicolas. En outre, tous les habitants de Moulins et des paroisses durent s’engager à céder leurs vêtements, de qualité variable en fonction de leur rang et de leur sexe ! (Soutanes et bonnets pour les ecclésiastiques, manteaux et chapeaux pour les paroissiens, coiffes pour leurs épouses). Ceux qui par piété filiale ne voulaient pas se dessaisir devaient remettre au curé la somme équivalente en espèces trébuchantes et sonnantes, sous un délai de huit jours !

Ultérieurement, au cours des nombreuses guerres qui opposèrent la cité de Metz et ses voisins, notre « vieux pont » fut l’objet de convoitise des assaillants, ceci jusqu’au début du XVIIe siècle. Il est, depuis 1989, inscrit aux monuments historiques. 

Le voyage du roi Henri IV à Moulins   

Parmi les déplacements royaux, indiscutablement, le voyage du bon roi Henri IV en 1603 demeura le plus célèbre. Cette visite fut en fait la conséquence du litige qui opposa les deux sinistres Sieurs Sobole et le gouverneur de la citadelle de Metz. Début mars, le cortège royal quitta la capitale et après être passé par Verdun et Mars La Tour, se rendit à Moulins le jeudi 13 mars précisément. Le roi était accompagné de la reine Marie de Médicis ainsi que d’une nombreuse suite. Détail pittoresque et amusant, parmi eux figurait la litière du petit duc de Vendôme, non pas le dauphin légitime, mais le fils qu’Henri IV avait eu avec sa très belle et célèbre maîtresse Gabrielle Destrée. Tout ce beau monde s’arrêta au château de Moulins situé à une lieue de Metz, avant de pouvoir passer la Moselle sur notre beau et grand pont. Après avoir reçu les deux parties adverses en fait irréconciliables, ne prenant en considération que leur incompatibilité réciproque, le roi ordonna le vendredi 21 mars 1603 aux frères Sobole de quitter la ville de Metz. Ceux-ci durent partir non sans bagages, mais avec en compensation le produit de leurs exactions, ce qui força le mécontentement de leurs créanciers. Mais en ces périodes très troubles, la corruption sévissait à l’état endémique ! Cet arbitrage, en fait très politique, avait pour but de renforcer l’attachement de la ville de Metz à la couronne royale. 

La défluviation, mais que s’était-il passé ? 

La Moselle formait jusqu’en 1631 une grande boucle avant de s’engager sous les arches du pont de Moulins. Quelques explications techniques succinctes sont nécessaires pour comprendre le changement de lit de la Moselle. Un lit fluvial se compose en fait de deux lits différents, le lit ordinaire apparent habituellement marqué par les berges et le lit majeur, occupé par les eaux lors des crues.  Vraisemblablement, sur une rive, l’eau rongeait le bas des collines tandis que sur l’autre rive le courant était plus faible, ceci, depuis des siècles.  Lorsque le dépôt des alluvions fit monter le niveau du lit habituel au-dessus du lit majeur lors des crues, le cours d’eau emprunta après la décrue un nouveau trajet. C’est donc cet alluvionnement qui provoqua le déplacement du lit de la Moselle en choisissant des endroits plus en bas, laissant aux Moulinois un vieux pont sans eau mais chargé d’histoire. Le maigre ruisseau restant ne reprit de l’importance que lors de crues majeures voire catastrophiques, comme ce fut le cas en 1947.
Mais sans nous désintéresser des explications de géologie, revenons à l’histoire et l’évolution de notre vieux pont ! 

Nos ancêtres du XVIIe siècle, d’une part en raison du travail surhumain représenté, d’autre part en raison des guerres de l’époque, notamment la guerre de 30 ans, durent renoncer à « forcer la Moselle » à passer sous le Vieux Pont. 

Aussi, durant plusieurs siècles, un bac assura la traversée de celle-ci.  Ce ne fut qu’en 1905 qu’un autre pont moderne à trois arches permit de nouveau le franchissement de la rivière, jusqu’en 1940, date à laquelle pour des raisons stratégiques, ce pont fut totalement détruit. Successivement trois ponts provisoires le remplacèrent en attendant que les finances publiques permettent de le rétablir définitivement. 

Quant à notre vieux pont, l’une de ses arches abrita pendant l’annexion une prison communale réservée à des » gens sans aveu », tapageurs, vagabonds dans l’intérieur du village, bref ceux qui troublaient le repos public des braves gens. Il fut même l’objet d’un projet de démolition à cette même période mais fort heureusement il survécut après réparation et comme l’affirmait Eugène Richard, ancien instituteur de Moulins, » si l’ancien pont est un vieillard, mais combien solide encore, le nouveau pont, si jamais il atteint l’âge de l’ancien, ne connaîtra jamais son importance historique ! »