Skip to content

Le ferme Bradin, un joyau moulinois insuffisamment connu

Le pays messin, riche d’un patrimoine multiséculaire, n’est pas reconnu suffisamment pour sa richesse historique, notamment en ce qui concerne les églises fortifiées dans de nombreux villages, mais aussi les fermes-châteaux qui sont le témoin de l’importance stratégique et militaire du territoire. Toutefois Albert Haefeli, artiste peintre lorrain, y consacra un ouvrage qui fait référence.

Mais quel était le rôle de ces fermes-châteaux fortifiées ?

Depuis le Moyen Âge, ces fermes fortifiées étaient bâties de manière à ne s’ouvrir que sur une cour centrale. Celles-ci étaient enfermées par un portail robuste entouré d’un fossé qui isolait l’ensemble. Lorsque la ferme se mettait en « état de défense », elle offrait la possibilité de se réfugier dans le bâtiment après avoir barricadé les portes.

La ferme Bradin en est un des exemples les plus remarquables, tant sur le plan architectural qu’ historique. Située aux confins de Montigny-lès-Metz, initialement sur le banc de Marly et proche de Frescaty, elle fut englobée dans le territoire de Moulins-lès-Metz après l’acquisition de la seigneurie par la famille Fabert dont sera issu en 1599 le célèbre Maréchal de France Abraham de Fabert d’Estenay (1599 – 1662). Cette possession devait le rester jusqu’à la révolution de 1789.



BRADIN, une terre historique tourmentée.

Dans un procès de 1327, le propriétaire de la grange alors dénommée « Braidy » puis par dérivatif devint « Bradin », s’oppose au seigneur de Marly qui lui reproche d’avoir fait pâturer ses bestiaux sur son banc communal et d’y causer des dommages. Le procès qui lui fait suite donna raison au propriétaire des lieux, en affirmant qu’il était libre de bénéficier des fruits de son travail et même aurait le droit de mettre en prison quiconque s’approcherait de sa maison ! Les seigneurs de Marly n’avaient donc aucun pouvoir sur ses terres.

 Ce n’est que plus tard que ces petites histoires de clochers rejoignent la Grande Histoire !

En effet, le fils de ce même « Braidy » alla en 1347 se mettre à la disposition de l’empereur de Constantinople « Jean VI », en guerroyant en Grèce contre les Turcs. En récompense, il reçut la permission de porter ses propres armes (un aigle muni de pattes, queue et bec), dénommé « aigle héraldique ». D’autre part il obtint que la grange prît officiellement le nom de « ferme de Braidy », abandonnant son nom initial de grange de Genestoy, qui lui était donnée en raison des genêts d’or qui s’épanouissent toujours très nombreux à cet endroit.

BRADIN, gibet de la ville de Metz.

Les chroniques de l’époque rapportent encore que l’endroit servait de gibet à la ville de Metz. D’ailleurs, une rue située à Montigny-lès-Metz en perpétue le souvenir.

D’une manière générale, le sort de la ferme fortifiée, voire ses destructions partielles, furent fortement liées à la guerre, souvent meurtrière, déclenchée de longue date par les Ducs de Lorraine contre Metz et réciproquement ! A titre illustratif, des soldats du Duc trouvèrent un jour une pauvre femme simple d’esprit à qui furent découpées les oreilles, sous le simple prétexte qu’elle se rendait à Metz ! De manière moins dramatique, un jeune homme de 19 ans qui avait commis quelques menus vols était condamné initialement à être pendu à BRADIN. Durant les préparatifs, une jeune fille vint s’agenouiller devant les seigneurs qui procédaient à l’exécution et les supplia de le lui accorder pour mari. A cette époque, la coutume permettait en effet de libérer un condamné si, avant l’exécution, une jeune fille le demandait en mariage. Les deux époux furent certes bannis, mais libres et se réfugièrent en dehors du pays messin. L’histoire ne dit pas s’ils eurent beaucoup d’enfants …

BRADIN, terre bénite et propriété de l’abbaye bénédictine de Sainte Glossinde de Metz, de 1480 jusqu’à la Révolution 

Vers 604, Metz était la capitale du royaume d’Austrasie Mérovingien puis elle fut intégrée à l’Empire carolingien. L’abbatiale Sainte Glossinde fut l’église de cette ancienne abbaye bénédictine. Remaniée au fil des siècles, elle existe toujours, l’abbaye étant le siège de l’évêché de Metz depuis 1802 jusqu’à nos jours.

Parmi la liste des abbesses ayant dirigé BRADIN, Louise de la Valette eut une importance particulière puisque dès 1606, elle permit sa reconstruction. Louise de la Valette était en effet la fille adultérine de Jean-Louis de Nogaret, célèbre Duc et Amiral de France. Celui-ci eut un sort éminent mais contrasté. D’abord « mignon », puis favori du roi Henri III, il servit Henri IV et aurait même assisté à l’assassinat de ce dernier. Il fut ensuite un fidèle de Marie de Médicis, la veuve du bon roi Henri, puis de Louis XIII, bien qu’étant détesté par Richelieu. L’histoire retient qu’il fut un grand capitaine militaire de la noblesse française s’illustrant dans de nombreuses batailles.

La ferme de BRADIN après la Révolution française.

La ferme BRADIN fut vendue comme bien national en 1593 à Pierre CHAMPIGNY, cultivateur, et restera en indivision entre les membres de cette famille jusqu’en 1869, date à laquelle elle fut achetée successivement par plusieurs propriétaires. Parmi ceux-ci, un ancien pharmacien, puis un banquier dont la succession comprenait également la ferme de Tournebride. Elle revint ensuite à la famille HEIM, propriétaire à partir de 1923 et connut diverses transformations par son dernier propriétaire à partir des années 1980.

L’intérêt architectural de BRADIN.

Nous savons que « BRADIN » était une ferme fortifiée. D’importants restes de ses fortifications subsistent, notamment d’épaisses murailles avec par endroits des meurtrières murées. La grosse tour d’angle fut ravagée par le feu au XXe siècle et la violence de l’incendie permit paradoxalement de dévoiler une fenêtre gothique. Elle possède également un escalier à vis particulièrement remarquable. Quant au mur d’accueil, il porte les armoiries vraisemblablement de l’Abbesse Louise de la Valette, bienfaitrice de la reconstruction de l’édifice au début du XVIIe siècle. 

En conclusion, comme l’affirme dans son livre Albert HAEFELI, ne négligeons pas les charmes de notre pays messin si souvent ravagé mais qui garde sa grande beauté. Pour reprendre avec lui une comparaison musicale, « ce n’est certes pas la grande musique de Berlioz mais une fine musique de chambre pleine de subtilité ». Ceci s’applique tout particulièrement à la ferme BRADIN de Moulins-lès-Metz.