L’épopée du Château Fabert
A l’image de Moulins, peu de communes peuvent s’enorgueillir de posséder sur leur territoire 3 châteaux : le château Grignan (actuel ermitage Saint Jean), la ferme-château de Bradin, et surtout le château Fabert à Moulins quartier centre.
Château Fabert au temps des guerres médiévales
Notre vieux pont, le plus ancien du département, avait placé Moulins comme la principale voie d’accès vers Metz. Si celui-ci servit de passage pour les cortèges, il fut en fait surtout emprunté pour des raisons stratégiques et militaires par des troupes en guerre. Le château Fabert était l’unique refuge de la population lorsque celle-ci n’avait pu se replier derrière les remparts de Metz toute proche. Pendant plus d’un siècle, les grandes Compagnies au temps des guerres médiévales ravagèrent le pays à la solde des ducs et princes. Véritables mercenaires, ils s’illustrèrent surtout par leurs multiples exactions (vols, pillages, viols, incendies). Le but de la population était de s’en débarrasser, parfois en même en payant, pour obtenir leur départ et les dévier… chez les voisins !
Le Château Fabert dans sa forme actuelle fut achevé en 1444. Cependant, la maison forte elle-même existait bien avant ; certaines recherches archéologiques laissent supposer qu’ une construction romaine a même précédé ce monument.

Les destins de château Fabert : de son rôle de maison forte militaire à celui de résidence seigneuriale
Déjà les légendaires escarmouches et les conflits locaux opposaient Metz et Nancy… Nancy était la résidence des ducs de Lorraine tandis que Metz était une République. Son histoire est celle d’une ville libre qui s’affranchit graduellement de la tutelle féodale impériale avant de devenir en 1552 une ville sous protectorat français.
C’est en 1490 précisément que l’armée du duc de Lorraine pointa son artillerie sur Château Fabert et la garnison messine prise de panique se contenta… de livrer notre forteresse au duc de Lorraine sans combattre ayant comme seul objectif de préserver sa survie… Assez rapidement, la forteresse du Château Fabert, par suite de la plus grande efficacité des moyens de défense technique rendit obsolète le bâtiment, au profit d’une fonction surtout résidentielle. Cet objectif fut inauguré par Pierre Baudoche qui devint propriétaire du château et seigneur de Moulins ; il y maria même sa fille en donnant au château Fabert une fête brillante, à laquelle participa de manière paradoxale le duc de Lorraine lui-même clôturant pour un temps seulement l’hostilité nette entre Nancy et Metz. Cette habitude festive se renouvellera même à diverses reprises par les fêtes données au château Fabert par Pierre Baudoche.

Les transformations successives du Château Fabert
Sous sa forme actuelle, l’édifice forme un quadrilatère renforcé de 4 tours d’angle et entouré d’un large fossé actuellement presque comblé. Si le pont-levis a disparu, persistent des meurtrières aux formes variées et symétriques. Parmi elles, on y distingue les armoiries des Baudoche, donnant aux bâtiments, sans les dénaturer totalement de leur fonction militaire, une architecture plus élancée et plus lumineuse. Du reste, à l’aile sud, on retrouve une très longue salle avec de grandes cheminées et poutres sculptées, témoignant des brillantes réceptions que l’on y donnait. Pour sa part, l’aile au Nord, sans grand intérêt historique actuel, fut ravagée par un incendie au début du XIXe siècle ; auparavant elle abritait un atelier de mécanique et de fabrications diverses. La partie centrale hébergea temporairement l’école, le presbytère et même la synagogue… Elle disposait d’un escalier tournant encastré dans le mur. Elle fut dotée à l’époque de la Renaissance de fenêtres à meneau.
Pourquoi la dénomination de château Fabert ?
Abraham Fabert, très connu en tant qu’homme de guerre français, fut maréchal de France en 1668 et s’illustra pendant la guerre de 30 ans. Il acheta la seigneurie de Moulins, cette période faisait suite à l’occupation de notre commune par les ducs de Lorraine. Dès l’acquisition du Château, il le remit en état et l’améliorera au goût du jour pour accueillir les gens importants, même les grands du royaume de France. Anobli, le seigneur de Moulins préféra toutefois garder son patronyme « Faber » (sans t). Modestement ce patronyme signait « un ouvrier du fer ». Ainsi les armoiries de Moulins portent le témoignage de la dynastie des Fabert.
Celle-ci restera jusqu’à la Révolution française. C’est en effet au cours de la nuit du 4 août 1789 que furent abolies les seigneuries par l’Assemblée Constituante.

Le célèbre séjour du bon roi Henri IV à Moulins. Pourquoi cette visite ?
En 1552, son prédécesseur, le roi de France Henri II, avait théoriquement offert sa protection aux trois villes Metz, Toul et Verdun ; en réalité il s’agissait avant tout d’une manœuvre royale pour imposer sa souveraineté par l’intermédiaire de son gouverneur militaire. En 1583, Henri III qui lui succéda choisit de nommer gouverneur un de ses « mignons », son favori le duc d’Epernon qui nomma ensuite comme lieutenants les 2 frères tristement célèbres Saubolles, respectivement Roger et surtout François dit « le boiteux ». La seigneurie se trouvait en Navarre, berceau précisément du bon roi Henri IV dans son enfance. Or ceux-ci se signalaient avant tout par leurs exactions, les actes barbares sur la population dont ils étaient coutumiers ,mais aussi leur cupidité en augmentant les impôts sur le vin et les céréales à leur profit… Henri IV, fin politique et négociateur fut informé de l’affaire. Il diligenta une enquête. Cette attitude était justifiée par l’intérêt qu’il portait à Metz, restée toujours fidèle à sa personne. Devant l’importance des méfaits commis par les frères Saubolles, il décida de se rendre sur place lui-même en mars 1603, accompagné d’un cortège royal dont son épouse Marie de Médicis surnommée « la banquière ». Impressionné par les murs du château de Moulins qu’ il trouva « beaux et grands » il traversa ensuite la Moselle par le vieux pont, pour arbitrer le conflit entre les bourgeois de Metz et le gouverneur de la citadelle Saubolles. Après une entrevue qui eut lieu à Moulins, Saubolles dut ainsi que son frère quitter la ville non sans oublier d’emporter les produits de leur corruption habituelle et évidemment sans régler les créanciers… ils partirent avec 18 à 20 chevaux et 40 chars bien chargés. Satisfait par le compromis, Henri IV avant son retour sur Paris séjourna avec une suite de gentilshommes ; la foule était en liesse.
Ainsi, ces événements sous le règne d’Henri IV constituent vraisemblablement un des événements historiques et anecdotiques les plus marquants pour notre commune de Moulins…
Les transformations actuelles qui ont fait suite à celle du XIXe siècle n’ont pas en réalité considérablement affecté les façades ni modifié l’allure médiévale du château. À vrai dire, c’est probablement la hauteur des bâtiments et l’aspect massif accentué par l’étroitesse de la cour qui lui fait suite qui permet de distinguer le château Fabert des châteaux forts lorrains de ce type. De nos jours sa destination festive, soit à titre personnel, familial ou collectif nous attache encore davantage à notre bel édifice.